Biographie

Le poète et auteur dramatique Mathieu Renaud peaufine dans ces deux premiers recueils de poésie une démarche autofictionnelle questionnant son rapport à la famille, à l’amour et à l’amitié. Transparaît tout de suite une attirance pour l’oralité et un imaginaire profondément marqué par la culture québécoise. En 2017, il entre à l’École Nationale du Canada. Cette formation transformera complètement son approche vis-à-vis de son art. À sa sortie, il co-crée un opéra rock mettant en scène Maude Veilleux, Alexandre Dosti, Marjolaine Beauchamp et Jf Nault. L'œuvre tourne dans différents festivals et récolte d’élogieuses critiques. Sa pièce de finissant, jouée à l’automne 2021, se verra décerner une mention au prix Gratien-Gélinas. Dans la lignée de Michel Garneau et de Daniel Danis, il poursuit le travail fragile de faire entrer le poème dans un espace théâtral. Actuellement, il accompagne, entre autres, Virginie Beauregard dans une adaptation scénique de son recueil Perruche

 

 

 

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

Je lisais de tout quand j'étais à l'école. Néanmoins, je me rappelle que lors d'un Salon du Livre, j'étais allé acheter Les amours de Ronsard. C'est un choix très étrange pour un enfant de 11 ou 12 ans. Mais le véritable déclic avec la poésie s'est effectué vers 14-15 ans. Une journée où je flânais dans les rayons de ma bibliothèque municipale, je suis tombé sur des ouvrages aux reliures en cuir. Les couvertures étaient rouge sang et les autres vert pomme. Les livres, les objets, étaient tout simplement magnifiques. J'avais dans les mains l'intégralité des publications de Baudelaire et Rimbaud. Comble de romantisme, j'ai passé la nuit à traverser les ouvrages. Le lendemain, je n'avais qu'une idée en tête: devenir poète, devenir un "voyant", tout simplement, devenir... C'est bien ce que la poésie m'a apporté, une façon de me créer une identité. Elle m'a permise de fréquenter des individus décédés, des fantômes, des contemporains, des idées peu connues, parfois convenues, des idées abstraites, de la fulgurance et de la réflexion. 

S'il y a un poème en particulier dont je me souviens... hmmm, je me rappelle surtout de ceux qui parlaient directement à l'adolescent que j'étais. Il y a bien sûr Spleen de Baudelaire, il y a On est pas sérieux quand on a 17 ans et Mauvais sang, tous les deux de Rimbaud. 

 

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

Je me suis mis à écrire de la poésie vers l'âge de 14 ans. J'écrivais en rime, je tentais de respecter le piétage, en gros je copiais ou enfin tentais d'émuler ce que je lisais. Avec l'arrivée de l'adolescence, le sujet de l'amour et du spleen étaient omniprésents. À 15 ans, suite à la découverte de l'œuvre de Jean Cocteau, j'ai dit à mes parents (complètement découragés) que dans la vie je ne serais rien d'autre que poète. 

Un exemple de ma conviction inébranlable dans mon devenir poète: j'ai convaincu mon prof de mathématique de secondaire 5 de passer tous mes cours de math à la bibliothèque. 

 

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Le travail des poètes est pour moi une des façons les plus accessibles de performer le mot liberté, de le transformer en verbe d'action. Je veux dire la possibilité d'être, d'être ce que l'on veut et comme on le veut. La pratique de la poésie (qui est par essence le travail du poète) demande peu de privilège de classe. Ce boulot demande surtout d'être capable de s'allouer du temps pour plonger en soi, d'habiter le temps différemment. Il faut être effronté, un peu baveux. On doit savoir lire et écrire. (Mais pas besoin d'être bon en français, loin de là!) Et surtout il faut apprendre à regarder autrement et SURTOUT SURTOUT d'avoir envie d'en faire part au monde.

Il faut avoir quelque chose à dire. Ça, ça s'apprend, ça prend du temps.

Écrire doit être un plaisir. Il faut comprendre toute la joyeuse rébellion qu'habite cet acte.

"La seule manière de défendre la langue, c'est de l'attaquer... Chaque écrivain est obligé de se faire sa langue." - Proust

 

 

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?

Je n'ai malheureusement pas de poème dans votre anthologie. 

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

Si je choisis un des poèmes dans l'optique de le mémoriser, je choisirais Dans la nuit de Henri Michaux. Michaux propose ici quelque chose de très chantant, quelque chose qui se porte bien à la mémorisation. On dirait que la rythmique du poème est presque empreinte d'ivresse. En le lisant à haute voix, j’ai l’impression d’invoquer la nuit.

Sinon, je choisirais Michauxde Chloé Savoie-Bernard. Ce poème est important à mémoriser, et d'autant plus pour des adolescents ou de jeunes adultes. Il nous confronte de façon brillante à une réalité violente, complexe, qu’on ne partage habituellement que trop rarement avec un bassin masculin. Elle nous parle aussi de la beauté. Chloé nous parle du ridicule, du superficiel d'apparaître belle aux yeux des autres. L'autrice nous dit combien elle ressent une étrange ambivalence face à l'aspect salvateur que les autres perçoivent dans sa beauté (le garçon pourra aussi très bien se reconnaître dans la question finale que se pose la poétesse). Voilà un poème que je rêverais que des étudiants apprennent par coeur. Le poème est clair et les images fortes. Il leur parle de leur réalité (le rapport à l’image, rapport inhérent aux médias sociaux et l'arrivée au monde adulte et les choix qui désormais leur appartiennent) sans les prendre pour des enfants.

 

Publications

Titre
Ver blanc d'Amérique
Maison d'édition
l'Écrou
Date
2015
Type de publication
Recueil
Titre
Décembre brûle et Natashquan attend
Maison d'édition
Del Busso
Date
2017
Type de publication
Recueil
Titre
Avant que les bêtes nous dévorent (extrait)
Maison d'édition
Les écrits
Date
2021
Type de publication
Périodique/revue
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